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04/01/2013

Le livre du P. Venard – 3/3 : en Terre Sainte, à la source de la théologie catholique

Terre de Dieu et des hommes, éd. Artège : familier du judaïsme moderne, expert des divers courants du judaïsme antique, Olivier-Thomas Venard nous donne avec ce livre un guide spirituel de la Terre Sainte dans toutes ses dimensions, de la vie quotidienne et du drame politico-militaire (ici note 1) à la découverte mutuelle du judaïsme et du catholicisme (note 2) ; donc à la découverte – par les chrétiens – des véritables racines du christianisme :

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''...La tâche est immense et elle sera longue, car elle met en oeuvre deux cents ans de recherches historiques contradictoires sur Jésus, aussi bien que des décennies d'interprétations variées de la littérature juive ancienne '', avertit le P. Venard. Rappelons qu'il enseigne dans l'un des haut-lieux de la recherche scripturaire en Terre Sainte : l'Ecole biblique de Jérusalem. Dans ce domaine, son livre ouvre donc aussi des perspectives qui devraient passionner le public catholique.

 

1. Judaïsme et christianisme ne sont pas des religions du Livre

"La Bible" n'est prise au pied de la lettre que par une minorité au sein du protestantisme : les fondamentalistes. Elle n'est pas vue de cette façon par les juifs. Ni par les catholiques.

Sur les 24 livres de la Bible hébraïque (en trois sections groupées sous l'acronyme ''tanakh'' : Tora, la Loi, Nevi'îm, les Prophètes, Ketouvîm, les Ecrits), tous n'ont pas la même autorité aux yeux des rabbins, et même l'autorité du livre principal – la Tora – n'est pas absolue comme le voudraient les fondamentalistes chrétiens. En effet, les rabbins enseignent que la Tora écrite fut transmise accompagnée d'une tradition (la ''Tora orale'' [1]) qui l'actualise, l'explique et la complète [2]. Censée remonter à des « lois données à Moïse au Sinaï » (« halakhot [3] le-Moshe mi-Sinaï »), cette tradition orale a engendré une prolifération multiséculaire de débats et de jurisprudence normative. Donc ''la centralité de la Tora [écrite) est plus symbolique que réelle, plus célébrée qu'appliquée. […] La Bible est d'une importance cruciale comme source de légitimation, mais elle n'a pas le pouvoir de légitimer ou de délégitimer les propositions des rabbins. On ne peut pas argumenter en montrant que la lecture rabbinique de tel passage a fait fausse route, ni espérer que cette argumentation déracine des pratiques fondées sur cette lecture rabbinique…''[4].

Dans le judaïsme, l'Ecriture est dominée par le commentaire. D'où l'ironie des rabbins devant un certain fétichisme protestant du texte biblique ''originel''. 

D'où aussi un parallèle avec le catholicisme, souligne le P. Venard : «  Le catholicisme non plus n'est pas une ''religion biblique''. L'histoire de l'Eglise témoigne d'une certaine prépondérance du Magistère sur les Ecritures. C'est bien le magistère ordinaire du pontife romain et des autres évêques en communion avec lui qui détermine la halakha catholique... »

Pour le christianisme comme pour le judaïsme, l'Ecriture – oeuvre inspirée mais humaine – ne va pas sans interprétation. Le christianisme n'est donc pas une ''religion du livre'', au sens de ce terme musulman devenu lieu commun. Et si les deux traditions (juive et chrétienne) divergent nécessairement sur l'interprétation christologique de l'Ecriture, les deux traditions convergent sur la nécessité d'une interprétation : autrement dit sur « une relation à l'Ecriture pour laquelle la signification ultime n'est pas le sens historique originaire ».

Ainsi le fondamentalisme (fixation régressive sur un « sens littéral intangible » du texte biblique) est écarté, non seulement comme inepte mais comme étranger, écrit le P. Venard, à « la relation à l'Ecriture que les chrétiens héritent des juifs ». [5]


2. Pour les catholiques, le sens de la Bible est... Jésus

« Finalement, dans le christianisme, la constitution même du Livre semble liée à la Personne du Christ, expérimentée comme clé des Ecritures dans la lumière de la résurrection et sous la mouvance de l'Esprit », constate le P. Venard. « Rien d'étonnant, donc, à ce que les chrétiens fassent une lecture christologique des Ecritures qu'ils partagent avec les juifs. Décrypter la ''présence spirituelle'', prophétique ou typologique, de Jésus-Christ partout dans l'Ancien Testament, n'est pas un placage a posteriori, c'est s'inscrire dans la dynamique historique de la communauté des disciples de Jésus depuis les origines. » Les chrétiens partagent des livres avec les juifs, mais les lisent différemment. Etudier la lecture qu'en font les juifs est instructif pour les chrétiens, mais ne change rien au christianisme !

Selon le « religieusement correct » occidental en 2013 (télévisions et magazines), la lecture chrétienne est plaquée sur les Ecritures « en vue de leur faire dire autre chose que leur sens véritable ». Mais ce n'est pas ainsi que les choses apparaissent aux chercheurs depuis quelques dizaines d'années: en réalité, la lecture chrétienne des Ecritures fut une production de la Terre Sainte, une élaboration juive autochtone : « un développement qui était possible dans la vie religieuse juive de l'époque de Jésus et de ses disciples ». [7] Quant à la séparation définitive du judaïsme et du christianisme, elle intervient bien après la formation de la foi chrétienne, formation dont cette séparation sera l'effet et non la cause : « des chercheurs sur les origines croisées des orthodoxies rabbiniques et chrétienne comme Daniel Boyarin aux Etats-Unis ou Simon Mimouni en France, tendent à repousser les ruptures définitives vers le Ve siècle, époque à la fois des grands conciles christologiques et de la compilation du Talmud. »

Le canon chrétien des Ecritures n'a pas été imposé d'en haut, par une cour impériale « gréco-latine forcément antisémite » (comme l'affirmaient MM. Prieur et Mordillat à la fin du siècle dernier) : il a germé à partir des listes de textes en usage dans les communautés de base, dès le IIe siècle. Et quel était le principe d'unité assez puissant pour créer ce consensus ? Réponse du P. Venard :

« Nous suggérerons ici que l'autorité du Verbe incarné, mort, ressuscité, et accomplissant les Ecritures, fut l'un des facteurs principaux de l'émergence d'un canon scripturaire chrétien dans la culture scripturaire juive des premiers siècles. Si bien que lorsque l'Eglise fait une lecture christologique des Ecritures, elle n'opère pas un placage a posteriori, mais s'inscrit dans une dynamique présente dans la communauté des disciples de Jésus depuis les origines. [...] La canonisation chrétienne des Ecritures semble avoir été la reconfiguration du rapport aux Ecritures de certains courants du judaïsme ancien. C'est bien l'idée juive de canon qui est actualisée par les disciples de Jésus. […] La singularité de cette actualisation consiste à voir en lui le référent principal, unique et finalement unificateur des alliances et des prophéties des Ecritures précédentes : ''C'est de moi que Moïse a parlé'' (Jean 5, 39-46). »

Particulièrement prenantes sont les pages (327 s.) où le P. Venard évoque la restructuration chrétienne des Ecritures autour de Jésus. Celui-ci place sa propre parole au niveau des Ecritures, en concurrence directe avec la Tora orale, selon le même processus – typiquement juif – que cette dernière. (« Moïse vous a dit, et moi je vous dis... », Matthieu 5 et 6). Jésus opère « dans le cadre de la polémique interne au judaïsme de son temps, concernant en particulier le rôle de la ruah haqqodesh, l'Esprit Saint, dans [la] lecture correcte [des Ecritures] ». Ses disciples « constituèrent des florilèges de prophéties anciennes au fil de son ministère, pour essayer de le comprendre », utilisant les Ecritures comme « un vaste réservoir de motifs » disponibles « pour discerner et verbaliser l'action de Dieu à leur époque ». Après la mort en croix, horreur indicible pour l'époque, seul l'événement de la résurrection de Jésus peut expliquer la foi en Lui comme Seigneur (une telle « transfiguration de l'horreur en gloire » étant humainement impensable en ce temps-là) ; cette foi au Ressuscité « transforma le rapport qu'on avait aux Ecritures : il ne s'agissait plus seulement de « savoir » mais de comprendre et de « croire » comme le montre Luc 24,27 et 45 : « ''Il faut que s'accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes...'' Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Ecritures et il leur dit : ''Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d'entre les morts le troisième jour.'' »... C'est alors que naît le kérygme de la foi chrétienne, avec sa formule « conformément aux Ecritures » qu'on retrouve dans le Credo. Puis les évangiles, « résultats divers de récitations faites en contexte communautaire » : « résultats » non seulement du mouvement de paroles déclenché par Jésus lui-même, mais de la faculté que Jésus a donnée aux disciples « de parler comme lui pour approfondir et actualiser son enseignement », autour d'une mémoire stable des faits et dires du Seigneur. (« Celui qui croit en moi fera les mêmes oeuvres que moi, il en fera même de plus grandes », Jean 14, 12). Quand Paul développe une théologie et une morale plus élaborées que celle des évangiles, ça n'a « rien de choquant » : « c'est le programme de prédication de Jésus qui se réalise ».

Nouveau Testament + Ancien Testament ? « Le canon biblique [chrétien] émergea peu à peu » au fil d'une dialectique entre Jésus (puis « la méditation de juifs convaincus de sa messianité ») et ''les Ecritures''. « En schématisant, on pourrait dire que son premier effet a été d'unifier [la collection des rouleaux des Ecritures ainsi que les principaux des premiers écrits chrétiens] en un livre unique, ''la Bible''... La constitution même du Livre, dans le christianisme, est liée à la Personne du Christ, expérimentée comme clé des Ecritures dans la lumière de la Résurrection ».

 

3. Un livre indispensable

De ce livre du P. Venard, on aura trouvé (dans cette note et les deux précédentes) quelques-uns des éclairages qui le rendent indispensable au chrétien soucieux de faire connaître au non-chrétien « les raisons de son espérance ». Mais il y a infiniment plus dans cet ouvrage de cinq cents pages, divisé en cinq parties :

 

 TERRE 

 choses vues et méditation à Jérusalem

 HOMMES 

 le P. Dubois (cf. notre note 1) et le drame israélo-palestinien

 Benoît XVI en Israël

 Raison, sagesse, dialogue trans-religieux et théologie catholiques

 PROBLÈMES

 Juifs et chrétiens en terre Sainte

 LIVRES

 Judaïsme, le christianisme et la Bible

 Jésus : le livre

 DIEU

 Jésus et le film (une analyse de théologien sur 'La Passion du Christ')

 Jésus, l'histoire et les mots

 Jésus, « l'homme devenu Dieu » ?

 Jésus, le juif

 Jésus, la foi et l'intelligence,la sur-rationalité du dogme, le dialogue juif-catholiques... et la vie de foi du chrétien croyant

 

 

Avant de conclure sur le drame actuel de la Terre Sainte, le P. Venard dissipe encore un quiproquo entre juifs religieux et chrétiens. Si l'intellectuel israélien Leibowitz (cf. notre note 2) refusait de s'intéresser au concept thomiste de la grâce, c'est qu'il la prenait pour « un élément typique de cette religion sentimentale qu'il évitait » : mais, souligne le P. Venard, « on peut se demander si c'est bien représenter l'expérience chrétienne que de faire de la grâce une réalité ressentie, une ferveur intime signe de réalisation du salut. L'enseignement constant des maîtres de la spiritualité chrétienne consiste à passer des bénédictions de Dieu (tous les signes de sa bienveillance observables à l'échelle humaine) au Dieu des bénédictions (insaisissable dans sa transcendance... » Le Père Jérôme, maître spirituel de l'abbaye cistercienne de Sept-Fons en France, écrit dans l'un de ses livres [8] : «N'imaginez pas qu'il suffise de pousser au sublime, en les portant sur Dieu, nos sentiments d'amitié humaine, pour nous trouver en pleine charité. Nullement, car il s'agit de deux étages essentiellement différents... Ce n'est pas une petite chose que de durer, par ce moyen qui ne rassasie pas notre sensibilité, dans un amour pour un objet qui, lui-même, ne touche en aucune manière notre sensibilité. Seule la grâce divine de la charité théologale nous attache à Dieu. Or, ce n'est pas une mince affaire que de rester attentif, chaque jour, pour demander cette grâce et pour l'accueillir... »

Le moine de Sept-Fons répondait à Leibowitz, et Leibowitz ne l'a jamais su. 

 

_________

 

[1] la Mishna, la Tosefta, les deux Talmuds (de Babylone et de Jérusalem) et les premières compilations du Midrash.

[2] Le concept de « Tradition » est partagé d'une certaine façon par le catholicisme. Ce dernier, sous cet angle, est donc comparable au judaïsme rabbinique plus que le protestantisme ! Mais ne le dites pas aux fondamentalistes, vous leur ravageriez le mental.

[3] halakhot : pluriel de halakha,« loi » au sens de « marche à suivre ». « Ensemble des discussions, décisions et prescriptions juridiques du Talmud, continuées dans le consensus actuel des rabbins » (O.T. Venard).

[4] Tikya Frymer-Kensky in Jews, Christians, and the Theology of the Hebrew Scriptures, citée par O.T. Venard.

[5] alors que le canon protestant de la Bible s'aligne sur le canon rabbinique postérieur au christianisme, le canon catholique (comme le canon orthodoxe) comporte plus de livres que la Bible hébraïque : il lui en ajoute sept, tirés de la Septante (Bible juive en grec, IIIe siècle avant JC), mais non retenus par le canon rabbinique de la fin du Ier siècle après JC. Les choix de ce canon intéressent les chercheurs : pourquoi les rabbins ont-ils écarté, par exemple, le Siracide, livre de sagesse écrit par un notable de Jérusalem vers 180 avant JC et qui sera cité élogieusement jusque dans le Talmud ? Est ce parce qu'il est « très différent du judaïsme rabbinique auquel la prépondérance pharisienne (après 780 de notre ère) donnera un aspect monolithique », estime la TOB ? Les idées de ben Sirac « n'étaient plus en parfait accord avec l'orthodoxie d'après 70 » et reflétaient la diversité prolifique du judaïsme précédant Jésus. Les rabbins pharisiens reprochaient-ils à cette diversité d'avoir une responsabilité dans l'apparition de la dissidence chrétienne ? Ces questions, comme une myriade d'autres concernant, elles, les origines juives palestiniennes du christianisme, sont le chantier des chercheurs. Le P. Venard fait ici une observation acérée : « Les résistances à la recherche historique dans le fondamentalisme protestant ou l'intégrisme catholique [6] apparaissent, à la réflexion, moins chrétiennes que (trop humainement) religieuses : depuis toujours, certains esprits plus ''religieux'' ont tendance à croire qu'il faut abaisser l'homme et ses capacités pour magnifier Dieu et lui rendre gloire, et que l'intelligence et ses facultés critiques doivent s'effacer pour que la foi puisse exister. Mais tel n'est pas l'enseignement catholique authentique. »

[6] Fait significatif, ces deux courants esquissent actuellement un rapprochement sur le terrain de l'ultracisme politique. Ils sont ainsi conduits à mettre au placard les divergences de catéchisme (pourtant profondes) qui les séparent. Au moins partagent-ils une commune phobie envers les évêques catholiques !

[7] « ''Les Ecritures juives ne se réduisaient pas au canon arrêté en Judée entre 70 et 135, mais il englobait d'autres livres'', en particulier ceux qu'on nomma plus tard ''deutérocanoniques'', toute une « littérature trilingue, où l'araméen et le grec sont à égalité autour de l'hébreu »... Tant en langue sémitique qu'en grec, les Ecritures furent en mouvement jusqu'à l'époque de Jésus et même après. Les divers courants religieux qui rivalisent dans le peuple juif de l'époque de Jésus pourraient même se caractériser par leurs maîtrises diversifiées des récits, des lois, des proverbes et des poèmes sacrés qui encadrent et imprègnent la vie quotidienne jusqu'à structurer le monde de manières spéciales. » (O.T. Venard, dont deux citations de P.M. Bogaert, Revue théologique de Louvain 2007).

[8] Père Jérôme : Car toujours dure longtemps, Fayard 1986. A lire aussi : L'art d'être disciple, Fayard 1988, Tout à Dieu (Parole et silence 1998), Ecrits monastiques (Sarment 2002), Oeuvres spirituelles, 2 t. (Ad Solem 2002), Théologie spirituelle, 3 t. (Parole et silence 1999, 2001, 2007). En attente de réédition : Jalons pour la lecture des livres historiques et prophétiques de l'Ancien Testament, Sept-Fons 1957.


 

Commentaires

LES JUIFS MESSIANIQUES

> Le Christ clé des Ecritures. C’est l’expérience qu’ont fait certains rabbins, le jour où ils se sont affranchis de l’interdiction qui leur en avait été faite (la plupart du temps depuis leur jeunesse et tout au long de leur formation rabbinique), et ont ouvert un évangile. Ils font aujourd’hui partie des « juifs messianiques », publiquement ou non. Pour ceux qui témoignent de leur foi, il est clair qu’ils ne se sont pas mesurés à une école de pensée ou à un duel d’interprétations en lisant les évangiles ou les lettres de Paul. Mais qu’ils ont avant tout rencontré une personne : Yeshoua, leur Messie et Sauveur – notre Seigneur Jésus-Christ.
Le P. Venard les évoque-t-il ? J’imagine qu’ils n’étaient pas utiles à sa démonstration d’une persistance de la « halakha » juive dans le catholicisme !

[ De PP à D. - Mais si, au contraire. Il les évoque. Lisez-le. Quant à "la démonstration", je l'ai mise en exergue mais elle n'est que l'une des cent "démonstrations" remarquables dont ce livre fourmille.]

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Écrit par : Denis / | 04/01/2013

DEBAT

> Oui, un livre important à lire ! Mais quelle sera son audience ? Il pourra aider à débrouiller les obscurités actuelles. Obscurités, car un non-intellectuel ne peut qu’être un peu perdu dans la question du « supersessionnisme » que d’autres appellent, non sans réprobation, « théologie de la substitution ».
Le Concile Vatican II écrit textuellement dans Nostra Aetate §4, que « S’il est vrai que l’Église est le [article défini !] nouveau Peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits » ce qui semble accréditer cette substitution, alors que l’élite catholique, prêtres ou laïcs la condamne. Toutefois certains n’hésitent pas à dire, comme me l’a lâché un bibliste, que l’Eglise s’était trompée et nous avait trompé pendant seize siècles, ce qui soulève quelques dommages, pardon, quelques questions collatérales quant à l’autorité de l’Eglise, car ce prêtre n’est pas un plaisantin irresponsable. Enseignant émérite d’une prestigieuse université, il est chargé des relations avec le judaïsme dans son diocèse.
Et les interrogations pleuvent :
-Si le peuple juif porte toujours la même légitimité, pourquoi n’a-t-il pas cherché à porter la Révélation de la Tora au-delà de lui-même, donnant, dans le meilleur des cas l’impression de se satisfaire que ce soit l’Eglise qui la diffuse ?
-Puisqu’il y a maintenant des Juifs messianiques, ce dont on ne peut qu’être heureux, que devient le rôle de l’Eglise ?
-Ou, en regardant les choses dans l’autre sens, les Juifs sont-ils appelés ou non à reconnaître que le Jésus de l’histoire est leur Messie ou ont-ils, sauf vocation spéciale comme celle du cardinal Lustiger à rester fidèle à la spécificité de leur peuple?

PH


[ De PP à PH
1. Faites mieux que d'approuver l'existence du livre du P. Venard : lisez-le. Vous y trouverez les réponses à nombre de vos questions intellectuelles...
2. ...mais pas aux questions dont Dieu seul connaît la réponse : exclusivité divine que Vatican II a comprise et reconnue. Ne pas l'avoir reconnue fut une erreur des siècles précédents (... avec certaines conséquences regrettables, d'où la repentance du jubilé de JP II)...
3. ... en croyant que le destin eschatologique collectif d'Israël pouvait être de son ressort (à elle, l'Eglise) ! Saint Paul indique pourtant que ce destin collectif dépend exclusivement de Dieu...
4. ...ce qui n'empêche évidemment pas, par ailleurs, les conversions individuelles - le cardinal Lustiger en était une illustration vivante. Et le P. Dubois, pourtant plus respectueux que quiconque de la spécificité du destin collectif d'Israël, participait au centre Ratisbonne - dont le nom était un programme. ]
5. La première urgence, pour les catholiques, est de cesser de se demander si les réalités sont légitimes... Elles SONT, et là est le signe. Au lieu de nous demander si l'existence de "juifs messianiques" est légitime (interrogation dépourvue de sens, excusez-moi), mieux vaut nous demander ce que leur existence signifie - au sujet de notre désinvolture envers saint Paul plusieurs siècles ! Contrairement à ce que veulent croire les intégristes, l'examen de conscience envers le passé est juste, équitable, salutaire, et même "organique" dans le contexte trans-historique de l'Eglise, corps mystique... Le refus de cet examen de conscience concernant le passé prouverait une sécularisation de nos mentalités, et une regrettable confusion entre l'attitude catholique et l'attitude nationaliste ("right or wrong, my country","la Patria ha sempre ragione", etc). L'inerrance du Magistère sur la foi ne garantit pas une inerrance envers le temporel : et les relations avec les non-chrétiens relèvent AUSSI du temporel... Le supersessionnisme a couvert bien des choses, aux siècles si glorieux de notre vaillante Chrétienté. ]

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Écrit par : Pierre Huet / | 05/01/2013

@ PP et PH

> Puisque vous parlez de « substitution »… j’aimerais bénéficier de vos lumières, ou de celles d’un théologien, sur cette question délicate (désolé de poursuivre le débat sans avoir lu le livre du P. Venard, que je vais me procurer).
D’après ce que j’en comprends, il me semble que chrétiens ou juifs messianiques sont appelés à témoigner, par leur union au Christ, de la fécondité de la « substitution » du Christ au pécheur (sacrifice opéré une fois pour toutes, et pour tous)… Et ceci, que le pécheur soit par exemple un baptisé/confirmé s’affranchissant de toute vie ecclésiale pour vivre selon son bon plaisir, que le pécheur soit un intégriste catholique en rupture avec le pape ou encore qu’il soit un juif orthodoxe bien décidé à ne jamais connaître Jésus (et donc à ne jamais lire les évangiles).
A noter que nombre de religieuses, au XXIe siècle, pratiquent toujours une spiritualité de la substitution. L'une des composantes de leur union au Christ est précisément de faire réparation des fautes de tel ou tel pécheur qu’elles ont rencontré, et d'acquérir au profit de celui-ci un renouvellement de grâces lui permettant d’avancer sur le chemin du salut. D’après le témoignage de ceux qui en bénéficient, cette pratique de la « substitution » produit des fruits en termes de conversion et de vie dans l'Esprit.

Denis


[ De PP à Denis - Cette substitution-là n'a rien à voir avec l'autre (la "substitution" de l'Eglise catholique au peuple juif). Un peuple de personnes individuelles entrées dans le corps mystique par le baptême, est d'une autre nature qu'un peuple né de la chair... C'est ce qu'on n'arrive d'ailleurs pas à faire comprendre aux intégristes catholiques, qui voudraient tant être appréciés des idéologues "volkisch". ]

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Écrit par : Denis / | 05/01/2013

A verser au même dossier :

> "Un juif s'explique sur l’Évangile"-La lettre de Paul aux Romains[Paul Bony][DDB]. Une lecture incisive et exigeante de la lettre aux Romains.
OUI, Jésus est juif, sa mère et son père aussi, son peuple aussi et pour faire très bref :le mystère du Serviteur souffrant et glorieux d'Isaïe est autant le mystère du Messie Un que du Messie Peuple.
Gloire à l’Éternel !
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Écrit par : Gérald / | 05/01/2013

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